DROIT BANCAIRE : Crédit - obligation de conseil du banquier
Endettement excessif : sur le devoir de mise en garde du banquier dispensateur de crédit à l'égard de l'emprunteur profane
La banque est tenue à l'égard de ses clients à une obligation de conseil qui prend la forme d'une obligation de mise en garde à l'égard des clients non avertis sur la possibilité d'un endettement excessif, au terme duquel elle engage sa responsabilité en l'absence d'une telle mise en garde. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la cour d'appel de Bordeaux le 19 décembre 2014 (CA Bordeaux, 19 décembre 2014, n° 13/04335 N° Lexbase : A4349M8L). En l'espèce, pour la cour, il ne saurait être considéré que l'emprunteur est un client averti car il indique avoir effectué seulement quelques emplois précaires en informatique, ce qui ne lui donne pas des connaissances spécialement étendues en matière bancaire. L'obligation de mise en garde à l'égard d'un client non averti impose à la banque de vérifier si le prêt octroyé conduit à un endettement excessif et disproportionné aux capacités de remboursement de l'emprunteur et de s'interdire d'accorder un prêt qui serait manifestement excessif au regard de ses facultés contributives, ce qui est le cas si elles sont inexistantes. En outre, ajoute la cour, les capacités financières du client de la banque s'apprécient par rapport à la situation réelle de l'emprunteur qui doit normalement apparaître sur la fiche de renseignement qu'il remplit et remet à la banque lors de l'octroi du ou des prêts. Dans le cas où les informations données sont fausses, l'emprunteur a manqué à son obligation de loyauté à l'égard de la banque qui n'a pas à opérer de contrôle ou de vérification spéciale, sauf le cas d'anomalie flagrante ou grossière. L'anomalie flagrante est susceptible de venir de l'examen du compte du client, ce qui est plus aisé s'il s'agit d'un client ancien et possédant son ou ses comptes dans les livres de la banque. Or, il était évident que l'emprunteur avait fourni des renseignements erronés sur ses revenus que la banque pouvait vérifier facilement puisqu'elle tenait les comptes de ce dernier depuis de nombreuses années. Elle avait ainsi, pour les juges d'appel, l'obligation de demander à l'emprunteur de présenter des éléments non erronés et, à défaut d'obtenir des éléments vraisemblables, elle devait refuser les prêts dans la mesure où elle était dans l'impossibilité de vérifier l'existence d'un endettement excessif et d'exercer effectivement son obligation de mise en garde. Au vu des éléments possédés par elle, il n'y avait pas risque d'endettement excessif mais certitude d'un endettement excessif par des emprunts qui ne pouvaient en aucun cas être remboursés, de sorte qu'elle aurait dû refuser l'octroi des deux emprunts. En accordant deux prêts dans ces conditions, elle a commis un manquement préjudiciable à l'emprunteur dont elle doit l'indemniser, le préjudice s'analysant en une perte de chance de ne pas contracter pour le client qui, correctement informé, aurait pu choisir de ne pas s'endetter. Ici, le préjudice correspond à la dette actuelle de l'emprunteur (cf. l'Encyclopédie "Droit bancaire" N° Lexbase : E8172D33).
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